lundi 11 juin 2012

Je n'ai pas lu Hugo ...

Une escapade à deux roues près de l'étang de Pléhédel, et voilà que les idées se libèrent à mesure que le mouvement s’accélère. Libérer le corps de son apathie permet à la pensée de l'accompagner dans cette félicitée qui à son tour se livre aux folles randonnées sans colliers. Pourtant à présent émancipée de son atone passivité, une culpabilité vint aussitôt la rattraper. Ainsi en ces mots s'est-elle soudainement manifestée :
Je n'ai pas lu Hugo !
Et c'est là tout l'un de mes fardeaux de ne pas encore m'être encombré du poids des mots de l'illustre maestro pour mes ballades à vélo.


Alors certes je n'ai pas lu Hugo, mais combien de prix Hugo ?
Il est facile d'ainsi esquiver le reproche initial, mais cela me permet d'introduire ce billet par quelques hommages aux auteurs récompensés :


A Robert Charles Wilson et son magnifique Spin, grand moment de science fiction que j'eus l'improbable idée d'accompagner de Leonard Cohen dans une magnifique harmonie totalement dénuée de logique.
A Vernor Vinge pour un feu sur l'abîme, délicieux périple qui accompagnait mes ballades dans les montagnes corses.
A Orson Scott Card et sa voix des morts qui ne m'aura guère laissé un souvenir à vie mais qui me remémore une vieille amitié qui resurgit aujourd'hui.
A Isaac Asimov et son cycle Fondation, bible de tout aventurier susceptible d'explorer un jour une saga space opera à la Geoges Lucas.
A Frank Herbert et son mythique Dune qui pour une raison encore inconnue restera associé à Placebo ... Dans un 9m² confiné d'étudiant, mettez un disque, prenez un bouquin, sombrez-y sans vous en rendre compte et voilà comment associer à jamais deux univers entre 4 murs.
A Ray Bradbury pour son Fahrenheit 451, une figure imposée pour le post-ado révolté par un passé totalitaire encore trop proche (voir aussi 1984 d'Orwell, le meilleur des mondes d'Huxley etc ...).
A Dan Simmons ... Ah Dan Simmons ... 



Dan Simmons cet auteur incroyable qui a notamment ce bon goût de rétablir des œuvres littéraires classiques dans ses romans de science-fiction (qui tendent à devenir eux-même des classiques sci-fi).
De Keats à Yeats en passant par Shaekespeare ou Proust. Et bien qu'à titre personnel j'apprécie avec une certaine disparité ses écrits, de ses innombrables talents d'écrivains que chacun appréciera à l'aune de ses goûts et de ses couleurs, à tout prendre, il reste de toute façon l'ultime chef d’œuvre que sont les Cantos d'Hypérion !
Je vais arrêter là de réinventer le superlatif pour ne point concurrencer celle à qui je dois ces quelques évocations auxquelles je me dois impérativement d'ajouter Alain Damasio pour la horde du Contrevent et, à contrecœur, China Miéville pour ... son physique ?!
N'empêche tant de prix Hugo, et je n'ai toujours pas lu Hugo ... même s'il ne s'agit aucunement du même tout de même, cela fait désordre !




Alors revenons-en au sujet !
Que me suis-je perdu dans tant d'ouvrages à m'esquinter les doigts dans ces milliers de revêches pages ?
J'ai exploré Camus en passant à côté de l'essentiel.
Je n'ai pas pris la route de Kerouac car l'avoir lu ne m'y a point incité je dois l'avouer.
J'ai par contre suivi les pas de Louis Guilloux sans jamais encore l'avoir lu.
Et tout prince de la pensée de la Renaissance qu'il est, Machiavel m'a bassiné de banalités.

Mais alors devant tant d’échecs littéraires pourquoi n'ai-je pas plutôt lu Hugo ?

Trop occupé que j'étais à passer d'un George à un autre, qui me firent visiter respectivement la Catalogne et le socialisme puis Westeros et le fantastique. Je suis encore à la recherche de ce temps perdu de ne pas avoir assez lu.
Les livres s'empilent toujours plus vite que je ne les lis sur ma table de chevet, la poche intérieure de mon cuir, le meuble près de mes toilettes. Et à moins de passer plus de temps sur le trône qui même pour le roi de la littérature française ne siérait guère en lieu de découverte littéraire, je ne vois comment rattraper ce temps perdu où mes souvenirs s'illustrent par l'absence misérable d’œuvres hugoliennes.

Pourtant cette lacune en une de mon CV d'être vaguement alphabétisé ne m'apparaît paradoxalement pas prioritaire à combler.
Loin d'être trop tard pour corriger pareille tare, je crains qu'il ne soit finalement encore trop tôt pour lire Hugo.

Je m'effraie d'une maturité littéraire qui sera à jamais intimidée devant son univers lacunaire et qui me condamne à ne point oser appréhender toute l'étendue du maître. Peut être ce complexe ne vient-il que des auréoles que tous contribuent à construire autour de l'oeuvre d'Hugo, mais jusqu'ici le profane que je suis reste transi à l'idée d'approcher ces écrits.



Alors en attendant je continue d'apprendre son parcours, ses exils, ses contentieux face à l'empereur des français, sa distance avec les communards ... pour compenser le fait que mon existence se déroule dans l'ignorance de sa plume. Je ne sais quelle part de mes concitoyens subit ce même complexe, mais lorsque l'on a 30 ans en France en 2012, il est difficile d'assumer cette simple pensée culpabilisante au détour d'un étang : "Je n'ai pas lu Hugo !"

Et ce soir encore je me coucherai ignare ... bonsoir. 


4 commentaires:

  1. Un jour Georges PERROS m'a dit: Je connais un paysan qui n'a lu qu'un livre dans sa vie; mais il est mille fois plus cultivé que moi qui en lit plusieurs par semaine...
    Erwan.

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  2. Lire Dune en écoutant Placebo !!!! Quelle idée de "citéussien" !!!
    :))

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    1. Oui les années d'études où l'on s'égare davantage dans les disciplines culturelles que les villes cosmopolites étudiantes ont a nous offrir plutôt que sur les bancs de la fac, nous font faire des choses assez étranges :)

      Trop de découverte en si peu de temps et d'espace, des juxtapositions ... étonnantes ^^

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