dimanche 30 septembre 2012

A moi le duc de Guise !

Ce billet n'est pas celui d'un théologien et si je ne vais pas m'en excuser, j'invite quiconque à m'apporter des précisions sur ce que je pourrai ne point avoir compris. Je suis un profane, mais pas un vandale de la pensée religieuse qu'en laïc je respecte ... mais je me donne le droit de l'analyser par mes propres croyances idéologiques. Cette précision faite ...

Ce matin je me réveille avec le service protestant sur France Culture. Tiens ça va encore me faire encenser l'audiovisuel public cette histoire ... Bref, d'habitude le dimanche je me réveille plutôt à 10 heures pour aller échapper à mon devoir dominical de catholique en allant faire du badminton avec les copains et je tombe donc sur la messe dispensée par France Culture !
Notez bien que si la Commune insurrectionnelle de Plouha se dressait et que la réquisition des églises pour y faire du sport loisir était déclarée, j'en serais !
Après tout, la maison de Dieu doit être ouverte à tous, même aux sportifs du dimanche, surtout quand c'est nous qu'on paie l'équipement !


Comme vous l'aurez compris, je reste très distant face aux religions, toutes les religions. Le sujet étant sensible, je me dois de le préciser. Ceci dit, je ne les mets pas toutes dans le même sac comme un bon petit héritier des Lumières un peu trop vite éclairé.

Jeune élève de l'école républicaine, je ne comprenais pas ces histoires d'Edit de Nantes et de guerre de religions que l'on nous faisait apparaître comme importantes. On m'avait appris que tout ça c'était mal : des fanatiques, limites pires qu'un musulman avec un couteau entre les dents !

"Qu'ils s'entretuent, peu me chaut !" avais-je du répondre à mon institutrice qui me sermonnait sévèrement de ne point avoir retenu la date des massacres de la Saint Barthélémy. Mais l'âge de la trentaine arrivant, la réaction s'empare de moi et m'oblige à comprendre un peu mieux notre Histoire (oui la réaction a parfois du bon).

C'est là que je m'intéresse notamment à nos guerres de religions suite à l'éclairant (ou du moins intéressant pour qui ne souscrit point à la thèse de l'auteur) ouvrage d'Emmanuel Todd : l'invention de l'Europe. Un pavé à bas prix qui comme tout pavé permet d'entamer une révolution ... de nos idées un peu trop pré-conçues. J'en arrive très vite à un concept central qui a fait s'entretuer nos milliers de bons chrétiens : la prédestination.


Au début je persiste : "faut être con pour s'entretuer pour un concept ... religieux qui plus est."
Puis je regarde de plus près.


La prédestination c'est le fait de se dire que parmi nos bons chrétiens, certains dès leur naissance sont déjà choisis par Dieu pour squatter le paradis d'office. Un certain Jean Calvin décide même d'en rajouter une couche par la double prédestination (si certains ont lu autre chose s'apparentant à une pratique sexuelle, je leur rappelle que Calvin est un théologien radical de la Réforme). Cette double prédestination, non-contente de désigner arbitrairement (Dieu est arbitraire) les élus, désigne aussi ceux qui seront damnés quelque soit leur mérite ! Bing !
Bon jusque là pas de quoi casser trois briques à un canard me direz-vous ? Moué ...

Mais lorsque l'on y réfléchit bien ça implique quand même d'autres choses qui, pour un socialiste et un humaniste comme je pense l'être, sont quelque peu gênantes.

La prédestination admet l’inégalité entre les hommes, entre ceux qui sont élus et ceux qui sont, en un sens condamnés d'avance.
Moi, ça ... ça me gêne et pas qu'aux entournures !
Bizarrement des pays à forte tradition égalitaire comme le notre (Todd situe notamment notre berceau égalitariste dans le bassin parisien élargi), l'Espagne ou l'Italie centrale seront très opposés à la Réforme qui défend la prédestination et donc une certaine idée de l’inégalité entre les hommes.



Bien souvent certaines élites sociales elles, s’accommodent très bien de la Réforme qui leur permet de s'émanciper de l'autorité de l'Eglise catholique, certes prégnante, mais qui les autorisent surtout à justifier divinement leur statut social supérieur.
Dieu m'a choisi il est donc normal que si je suis un élu dans la cité céleste, je le sois aussi dans la cité terrestre. Ca aussi ça me gêne drôlement comme raisonnement !

Un certain Max Weber a bien essayé de donner une belle justification philosophique au protestantisme et à cette notion de prédestination en louant cette dernière dans ce qu'elle aurait pu apporter à l'esprit du capitalisme. Personnellement j'en suis très sceptique. Même si je comprends parfaitement par contre, qu'une doctrine religieuse visant à dire "nous ne sommes pas tous égaux et nous devons affronter les évènements en tant qu'individu et non pas en tant que groupe" s'adapte merveilleusement avec l'esprit du capitalisme.
Mais qui suis-je pour remettre en cause Weber ? Un simple blogueur, catholique de papier de surcroît !




Catholique de papier car si j'ai bien été baptisé, je ne suis guère pratiquant. Pourtant je suis pratiquant d'idéologies égalitaires, tant qu'elles ne sont pas (trop) autoritaires.
Et lorsque je regarde où se sont développées les formes de socialisme (plus oui moins réussies et malheureusement bien souvent plus ou moins ratées), force est de constater qu'il s'agit plutôt de pays catholiques que protestants : des communistes italiens aux anarchistes espagnols, des bolivariens vénézueliens aux anarcho-socialistes qui ont agité Paris de tous temps sans parler des assimilés communistes du centre-Bretagne aux différentes velléités rouges qui ont traversés l'Amérique latine.
L'ouvrage d'Emmanuel Todd sus-cité explique nettement, régions par régions, les influences politiques des bastions catholiques et réformés de 1500 à nos jours dans l'Europe de l'ouest. C'est assez édifiant lorsque l'on met en parallèle les régions de tradition inégalitaire et autoritaire (soumises à la décision arbitraire divine) et les régions pénétrées par la Réforme protestante : celles-ci sont bien souvent les mêmes. Les régions égalitaires et libérales elles sont restées nettement plus catholiques.


Quoiqu'il en soit, étant républicain, fidèle à la notion d'égalité entre les hommes, le concept de prédestination me fait horreur !
Un concept qui fait abstraction du libre-arbitre de l'être humain, en tant qu'humaniste, je hurle !
Excluant de plus le mérite qui fonde la valeur d'un citoyen, tout cela me hérisse le poil républicain et dresse hardiment mes cheveux de socialiste !
Bref si le concept de prédestination a secoué bien des siècles de notre Histoire, je crois que selon les époques j'en aurais pris mon parti !
Oui j'aurais soutenu Pelagius (et pas parce qu'il était breton) contre Saint Augustin. Je me serais engagé chez les jésuites héritiers de Molina (un humaniste catholique défendant la liberté des hommes) pour combattre les jansénistes (des "catholiques" laïcs et très protestants qui n'étaient pas à un paradoxes près pour justifier une certaine hiérarchie sociale qui leur était profitable, par le divin).
Et surtout, bien que l'Histoire aurait fait de moi un sanguinaire fanatique, j'aurais certainement crié : "A moi le duc de Guise !" en embrochant quelques huguenots à une quelconque bataille.
Et ce, non pas au nom d'une certaine idée du religieux dont je n'ai cure, mais au nom du combat qui m'anime et qui a animé certainement des milliards d'êtres humains avant moi : la lutte pour l'égalité entre les hommes au delà de ce que Dieu peut avoir à dire du haut de son trône !

Amen !

Track : John Butler, Ocean (live)


2 commentaires:

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